Par une belle matinée du mois de mai, le petit Jacques, qui jouait dans le jardin, trouva un pauvre petit oiseau à terre sur le gazon.
Il était tombé par accident du nid, ou peut-être quelque oiseau de proie l'avait laissé échapper de ses serres, à demi mourant. Il y avait un peu de sang sur son petit duvet à peine poussé.
Jacques était bon et compatissant. Il ramassa le blessé et le porta à sa mère, qui voulut bien l'aider à en prendre soin.
En l'examinant avec attention, elle découvrit qu'il avait une légère plaie à l'aile, qu'elle lava avec de l'eau tiède; ensuite elle lui fit boire une goutte de vin, et le petit mourant ressuscité releva la tête. Jacques ne se sentait pas de joie. Il entreprit, sous la direction de sa maman, la cure du petit malade, et il fut si exact, si attentif à le soigner, à lui apprêter sa pâtée, à lui donner à manger peu et souvent, comme font les pères et mères moineaux, qu'au bout de quinze jours l'oiseau guéri avait repris des forces, ses ailes avaient poussé, et il volait jusqu'au plafond et se frappait aux vitres, dans son désir de liberté.
La mère de Jacques dit un jour à son fils : « Tu as sauvé la vie à ton cher Bibi (c'était le nom de baptême du moineau) ; tu l'aimes beaucoup ; eh bien, il faut encore lui rendre un grand service : il faut le laisser s'envoler. En le gardant, tu le rends malheureux. Je sais que ce sera un sacrifice, mais l'amitié est à ce prix. Celui qui ne sait pas s'oublier pour ses amis ne mérite pas d'en avoir.»
Jacques trouvait bien dur de se passer de Bibi et de lui donner la clef des champs. Il plaida et essaya de prouver à sa mère que Bibi était plus heureux à la maison que dans les bois.
« Il est le meilleur juge, répondit sa mère. Essaye! Qui sait si, laissé à lui-même, il ne reviendra pas? »
Ce fut avec le cœur bien gros et d'une main tremblante que Jacques ouvrit la fenêtre toute grande et vit son cher prisonnier prendre l'essor et s'aller poser sur les branches d'un beau pommier tout couvert de fleurs blanches et roses. Là, il s'égosilla et chanta de si bon cœur, qu'en l'écoutant Jacques oublia son chagrin.
Mais, hélas! l'ingrat battit des ailes et s'envola. Son ami le suivit des yeux loin, bien loin, hors du jardin, dans les grands arbres; et l'enfant tout en larmes, referma la fenêtre en disant: «Il est parti ! il ne reviendra plus!
— Qui sait? reprit la mère. Les animaux gardent la mémoire du bien qu'on leur a fait, autant et quelquefois plus longtemps que les hommes. » Deux jours se passèrent et Bibi ne reparut pas.
Avait-il retrouvé son nid et ses parents? Etait-il si heureux de sa liberté qu'il ne voulait plus risquer de la perdre ?
« Il faut que je tâche de l'oublier, puisqu'il m'oublie!» se disait Jacques.
Mais, ô bonheur! le troisième jour, de grand matin, il lui sembla entendre un bruit d'ailes. Cette fois ce n'était plus au dedans, mais au-dehors, contre les vitres, Bibi frappait du bec et des plumes, il demandait à entrer. Il venait revoir son jeune bienfaiteur et son ami.
Vous pensez s'il fut bien reçu! Il eut du mil, de la brioche, du sucre, friandises auxquelles il n'était point insensible, et le régal fini, il voleta autour de la tête de Jacques, se percha sur son épaule, sur son doigt, s'envola, revint à l'appel, fit le mort et toutes les gentillesses que Jacques lui avait enseignées.
Au jardin, il se mit à éplucher le pommier feuille à feuille, plongeant délicatement son bec dans le calice rosé des fleurs et en retirant une petite chenille verte ou un ver à peine visible qu'il avalait en mettant sa tête de côté, et regardant son ami, comme pour lui dire : « Tu vois, je rends service pour service ; quand tu mangeras une belle pomme reinette, bien saine, à l'automne, tu penseras à Bibi, qui a tué le ver qui aurait rongé et gâté le fruit. »
Du pommier il passa au pêcher, au poirier, toujours faisant la chasse aux insectes et les découvrant là où l'œil et le doigt du jardinier ne peuvent atteindre. Le lendemain, il revint faire sa visite amicale et son devoir d'éplucheur, aussi fidèle à l'une qu'à l'autre.
De son côté, Jacques n'oubliait jamais de lui préparer quelques bonnes becquées. Cela dura toute la belle saison.
Quand vint l'automne, il s'absenta plusieurs jours de suite et Jacques s'inquiéta. Le pauvre enfant était tombé malade et gardait le lit, lorsqu'un matin il entendit, sur la vitre, un petit roulement. C'était Bibi qui frappait à sa façon du bec et des ailes. On lui ouvrit et grande fut la joie des deux amis en se revoyant.
Ce jour-là, l'oiseau ne voulut plus s'envoler. Il resta dans la chambre du petit malade, l'égayant de son chant et de ses caresses jusqu'à ce qu'il fut rétabli.
Depuis, ils sont devenus inséparables.
L'éducation de nos enfants passe, aussi, par le temps passé avec eux à leur expliquer les réalités de la vie.
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